La voiture électrique est-elle plus écologique que la voiture thermique traditionnelle ? De nombreux détracteurs disent que “non”. Leur argumentaire est malheureusement basé sur une technique connue sous le nom de “cherry picking” (picorage en français) qui n'utilise que certains faits ou fragments de fait pour supporter leur opinion en ignorant tout ce qui pourrait le contredire. Essayons d’y voir plus clair en regardant ces “cerises négatives”, mais également en analysant tout l’arbre au complet.
1. L’auto électrique émet plus de gaz à effet de serre (GES) dans sa phase de production qu’une voiture thermique. C’est vrai. Voilà en effet une “cerise”, mais regardons cela de plus près. Une voiture conventionnelle peut produire entre 9 et 14 tonnes de CO2 équivalent dans sa phase de production. Ce peut-être plus pour l'auto électrique en fonction de la taille de la batterie. Il faut compter environ 1 tonne de CO2 équivalent par 10 kWh de capacité (référence 1, Étude de l’institut de recherche environnemental de Suède -Swedish Environmental Research Institute, commandé par la Swedish Energy Agency, Swedish Transport Administration). À titre comparatif, une voiture (comme une Leaf Gen1 de Nissan) dont la batterie est de 24 kWh (référence 2) génèrera donc , dans sa phase de production, 2,4 tonnes de CO2 équivalent de plus qu'une voiture thermique pour la batterie et donc il est exact de dire qu’ à sa sortie de l'usine elle a davantage pollué. SAUF QUE, il faut également regarder la phase d’utilisation, pas juste la phase de production. À l'usage, une voiture à essence produit en moyenne 4,6 tonnes de CO2 par année (référence 3, United States Environmental Protection Agency). Malgré ses 2,4 tonnes de plus à la sortie de l'usine, l’auto électrique se rattrapera dans la première année d’utilisation qui suit le début de sa vie utile, particulièrement au Québec où l’électricité vient à 100% de sources d’énergie renouvelable. 2. L’auto électrique n’est pas “zéro émission”. C’est également vrai, il faut penser à sa phase de production et également à la source d’énergie qui l’alimente. Mais il faut bien comparer les deux réalités pour se rendre compte qu’entre deux maux, mieux vaut choisir celui qui a le moins d’impact. Voici donc un comparatif entre une auto électrique comme la “Leaf” et une auto conventionnelle en tenant compte de la production de la batterie tel que mentionné au point 1 : Au final, 43,6 tonnes de CO2 équ. de moins dans l'atmosphère pour l’auto électrique. Un rapport de l’analyse de cycle de vie du CIRAIG ( Centre international de référence sur le cycle de vie des produits procédés et services) établit que la voiture électrique produit 65% de moins de CO2 équ. qu’une voiture conventionnelle à essence dans son cycle de vie complet. (référence 4, Rapport du CIRAIG, avril 2016) De fait le CIRAIG traite de 3 volets dans son analyse technique :
Dans les volets 1 et 2, la voiture électrique éclipse fortement la voiture conventionnelle (réduction de 65%). C'est dans le volet 3 que la voiture électrique, en raison de la production du moteur électrique et de sa batterie, dépasse de 25% la voiture thermique. En ce qui a trait à l'épuisement des ressources, le volet "défavorable" à l'auto électrique, je tiens à préciser l'énoncé suivant tiré directement de l'étude du CIRAIG : "le bénéfice environnemental du recyclage, où il y aurait un crédit environnemental pour l’évitement de la production de matériaux vierges, n’a pas été considéré dans l’approche de cette étude." Autrement dit, à long terme, lorsque les infrastructures de recyclage des ressources minérales qui sont dans les batteries actuelles seront bien implantées et que 95% des minéraux seront recyclés, il y a fort à parier que même sur le 3e volet, la voiture électrique deviendra gagnante par rapport à l'auto traditionnelle. 3. L’auto électrique nécessite des "terres rares" qu’on retrouve surtout en Chine et cela n’est pas bon pour l’environnement . Oui et non, mais surtout non. Le mot "rare" est trompeur, car bien des métaux "rares" sont assez abondants sur notre planète (référence 5 - Définition des terres rares). Quant à l'idée que la Chine, où les normes environnementales ne sont pas toujours élevées, ait le monopole de certains de ces métaux, cela reste à démontrer, car maintenant qu'on s'y intéresse vraiment, on découvre de grands gisements de “terres rares” qui sont exploitables sans violer la nature et l'environnement. Il est à noter que le Lithium, contrairement à la croyance populaire, ne fait pas partie des terres rares. Très peu de “terres rares” entre dans la compositions d’une auto électrique. Si on parle du Lithium (non classé comme “terre rare”), il faut savoir que la rareté est relative, car on peut penser à la découverte d'une énorme quantité de lithium au Québec, dont on ignorait jusqu'à tout récemment l'existence. On oublie également de parler de la capacité de recyclage de ces métaux. Le Lithium d’une batterie peut être récupérable et réutilisable à plus de 95%. Difficile d’en dire autant du pétrole qui s’est volatilisé dans les moteurs thermiques. Il est toutefois vrai de dire que les infrastructures ne sont pas toutes en place pour la récupération, simplement parce qu’il n’y a pas encore assez de volume ou de “vieilles batteries” à recycler, mais cela viendra. 4. Voici une variable dont les détracteurs de la voiture électrique ne parlent jamais : La pollution atmosphérique dans les centres urbains. Nous savons tous et toutes que les voitures qui brûlent du pétrole ne font pas juste accroître les GES, elles contribuent également au smog urbain. Or, les particules fines qui sortent des tuyaux d’échappement ont un impact sur la santé humaine. L’éminent cardiologue Dr. François Reeves (le neveu d’Hubert Reeves) a fait une étude sur le sujet et a publié des résultats qui pointent du doigt les particules fines polluantes non pas que vers les maladies respiratoires, mais également vers des affections du système cardio-vasculaire. Certaines particules de pollution sont si fines qu’elles peuvent se déposer dans les tissus de notre cerveau (référence 6). 5. La voiture, qu’elle soit électrique ou thermique, n’est pas la solution. Il y a une grande part de vérité également dans cette affirmation. Dans un monde idéal, nous favoriserions le transport collectif non polluant et ne construirions pas nos citées en fonction de l'automobile. Le vélo, la marche, le transport collectif sont assurément à privilégier. Mais comme on ne peut pas supprimer l'existence de l'automobile de nos vies, entre une auto qui carbure aux énergies fossiles et une autre qui peut se servir de sources d'énergie propre, il faut choisir cette dernière. 6. L’auto électrique est en évolution. Autre variable occultée par ses détracteurs, les technologies de l’auto électrique sont en constantes progression. Les procédés chimiques s’améliorent, les composantes également. Les techniques de recyclage et leurs infrastructures vont également se développer de plus en plus. Le bouquet énergétique des pays où on ne produit pas encore 100% de l’électricité de sources renouvelables comme au Québec s’améliore continuellement et l’empreinte carbonique de l’auto électrique est sur une courbe descendante. Au final, dire que les voitures électriques sont aussi dommageables pour l'environnement que les voitures conventionnelles thermiques qui carburent aux carburants fossiles relève d'un certains nombre d'omissions dans les variables. En terminant, n’oublions pas que 41% des émissions de GES du Québec provient du secteur du transport (référence 7). Si nous désirons atteindre nos objectifs collectifs de réduction d’ici 2030, il faudra attaquer de front ce secteur et la voiture électrique fait partie d’un éventail d’outils qu’il faudra développer et privilégier afin d’éliminer progressivement l’utilisation des carburants fossiles. Contributeur: Philippe Marsolais Professeur de science (24 ans en enseignement) et étudiant de second cycle universitaire en gestion du cycle du carbone et changements climatiques. Fondateur du groupe Facebook “Volt, en français”
Une voiture électrique, c'est écologique ?
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Suite à la vive réaction qu'a suscité un reportage de Thomas Gerbet à Radio-Canada sur les voitures électriques, j'aimerais partager ma réponse qui démontre que ce journaliste fait du "cherry picking" (picorage en français) dans les informations du rapport du CIRAIG :
Ceux qui vont lire l'analyse vont comprendre que les trois principaux volets présentés dans le rapport technique sont: 1. Les impacts sur les changements climatiques (tonnes de CO2 équivalent) 2. L’épuisement des ressources fossiles (en Mégajoules) 3. l'épuisement des ressources minérales (en kg). Dans les volets 1 et 2, la voiture électrique éclipse fortement la voiture conventionnelle (réduction de 65%). C'est dans le volet 3 que la voiture électrique, en raison de la production du moteur électrique et de sa batterie, dépasse de 25% la voiture thermique. Le CIRAIG a dit que c'est sur ce dernier volet (l'épuisement des ressources minérales) que la voiture électrique aura du mal a rattraper la voiture à essence dans son cycle de vie complet (même après 300 000km d'utilisation). Sauf que les médias semblent actuellement généraliser ce dernier volet pour l'ENSEMBLE de tous les volets l'analyse du cycle de vie, ce qui n'est absolument pas ce que le CIRAIG dit ! De fait, au bilan, cette analyse est favorable à l'auto électrique en dépit d'un 3e volet moins intéressant. Il ne faut pas oublier les 2 premiers ! En ce qui a trait à l'épuisement des ressources, le volet "défavorable" à l'auto électrique, je tiens à préciser l'énoncé suivant tiré directement de l'étude du CIRAIG : "le bénéfice environnemental du recyclage, où il y aurait un crédit environnemental pour l’évitement de la production de matériaux vierges, n’a pas été considéré dans l’approche de cette étude." Autrement dit, à long terme, lorsque les infrastructures de recyclage des ressources minérales qui sont dans les batteries actuelles seront bien implantées et que 95% des minéraux seront recyclés, il y a fort à parier que même sur le 3e volet, la voiture électrique deviendra gagnante pas rapport à l'auto traditionnelle.
Référence 1 :
https://www.ivl.se/download/18.5922281715bdaebede9559/1496046218976/C243+The+life+cycle+energy+consumption+and+CO2+emissions+from+lithium+ion+batteries+.pdf Référence 2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Nissan_LEAF Référence 3 https://www.epa.gov/greenvehicles/greenhouse-gas-emissions-typical-passenger-vehicle Référence 4 http://www.hydroquebec.com/data/developpement-durable/pdf/analyse-comparaison-vehicule-electrique-vehicule-conventionnel.pdf Référence 5 https://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_rare Référence 6 https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/les-grands-entretiens/segments/entrevue/69237/francois-reeves-cardiologue-sante-environnement-livre https://www.editions-chu-sainte-justine.org/livres/planete-coeur-214.html Référence 7 http://mddelcc.gouv.qc.ca/changements/ges/2014/Inventaire1990-2014.pdf
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