En proposant une Stratégie d’électrification des transports ambitieuse, le Québec a les moyens de devenir un chef de file international, estiment, d’une même voix, les constructeurs et les consommateurs amoureux des véhicules électriques. Après des mois de tergiversations, le gouvernement du Québec devrait finalement dévoiler sa nouvelle Stratégie d’électrification des transports dans les prochains jours, selon les sources du Devoir. Le bureau du ministre des Transports, Robert Poëti, n’a toutefois pas voulu confirmer la date officielle. « L’annonce est imminente, et tous les détails seront rendus publics à ce moment », a indiqué Anne-Catherine Couture, attachée de presse du ministre. Le secteur de l’électrification fonctionne sans ligne directrice claire depuis les élections d’avril 2014. La stratégie effective jusqu’alors avait été mise sur pied en 2013 par le Parti québécois de Pauline Marois. Elle prévoyait l’injection de 516 millions de dollars dans divers projets, des subventions aux particuliers à l’installation de bornes sur l’ensemble du réseau routier, en passant par la création d’une institution gouvernementale responsable de l’électrification. « À l’époque [du changement de gouvernement], on s’attendait à ce qu’il y ait une pause, admet le président de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ), Simon-Pierre Rioux. Le temps que les libéraux se réapproprient le plan proposé, mais disons que la pause a été bien plus importante que prévu. » Depuis des mois, les ministères des Transports, du Développement durable et de l’Énergie se renvoient la balle pour déterminer qui devra se charger de mettre en place le plan d’action. « Juste pour savoir qui s’occupait du dossier, ç’a été très long, explique le fondateur de l’AVEQ, regroupement qui permet, entre autres choses, aux usagers de faire leur premier essai à bord d’un véhicule électrique. Au printemps, le verdict est tombé : c’est le MTQ [Transports Québec] qui prend le relais. » Pendant ce temps, de nombreuses entreprises ont dû mettre un frein à leur développement, faute d’encadrement et de ressources. « Beaucoup d’industries comptaient sur ces subventions pour pouvoir poursuivre sur leur lancée », précise Simon-Pierre Rioux. C’est notamment le cas de l’industrie du taxi, qui misait beaucoup sur les incitatifs financiers pour prendre un virage significatif en ce sens. Profiter de son potentiel Au Québec, la totalité du pétrole utilisé provient de l’extérieur des frontières. À un point tel que plus du cinquième du budget des importations y est consacré, ce qui en fait un secteur économique de première importance. Pourtant, avec ses ressources hydriques, la province est un chef de file en matière de production d’électricité. Et si, à l’heure actuelle, plus de la moitié des véhicules électriques vendus au Canada sont entre les mains de propriétaires québécois, il n’en reste pas moins que cela équivaut à 1 % du parc automobile en circulation, tout au plus. Plus encore, le nombre de véhicules motorisés ne cesse de croître, mois après mois. « La prochaine stratégie doit impérativement comprendre des objectifs chiffrés, des mesures incitatives considérables et un volet de sensibilisation, insiste Simon-Pierre Rioux. C’est aberrant qu’au Québec, où on produit de l’électricité en masse, il n’y ait pas davantage de véhicules électriques sur nos routes ! » Car ce ne sont pas les infrastructures qui manquent. En effet, le réseau de bornes de recharge a continué de se développer au courant de la dernière année, prenant, chaque semaine, un peu plus d’expansion. À un point tel qu’aujourd’hui, il est possible de se rendre jusque dans les Maritimes à bord d’un véhicule muni d’une batterie rechargeable. « Le monde n’a pas arrêté de tourner parce que le gouvernement ne se jetait pas à l’eau », indique Jean-Pierre Legris, président de Lito Green Motion, premier constructeur à concevoir un véhicule électrique québécois à 100 %, une moto qui foule les routes depuis 2012. De manière plus large, le secteur gagnerait tout de même à reposer sur une stratégie digne de ce nom, assure Jean-Pierre Legris, en précisant que le Québec pourrait ainsi se présenter comme un important joueur sur la scène internationale. « Nous avons les ressources et les connaissances, souligne-t-il avec enthousiasme. Nous avons tout le potentiel nécessaire pour devenir un chef de file mondial. Tout ce qui nous manque, c’est un peu de volonté politique. » Volonté politique qui compte tout de même pour beaucoup dans l’équation, précise-t-il.« Ce qu’on voit au Québec est un peu particulier. Normalement, les directions économiques sont lancées et portées par le gouvernement. Pour l’électrification, c’est le contraire, le gouvernement arrive à la toute fin. C’est le monde à l’envers ! » Le problème, selon la Coalition zéro émission Québec (CZEQ), réside dans le fait qu’une large portion des revenus du ministère des Transports québécois provient de la taxe sur l’essence. « Au MTQ, on nous a déjà dit que c’était bien beau de vouloir que tout le monde roule en voitures électriques, mais que, de cette façon, on allait perdre l’argent dont on a besoin pour refaire les routes et pour développer les transports en commun », déplore Yvon Bergeron, porte-parole de la CZEQ, une pointe d’agacement dans la voix. Selon lui, c’est surtout ce paradoxe qui nuit à l’instauration d’une stratégie d’électrification efficace. Partenaire international À l’inverse, le ministère du Développement durable du Québec annonçait le 20 août dernier, sans tambour ni trompette, la création d’une Alliance internationale sur les véhicules zéro émission. Cette alliance, ratifiée par le Québec et par deux des plus gros joueurs en la matière — la Californie et les Pays-Bas —, se veut une manière d’accélérer l’adoption, à l’échelle mondiale, de véhicules à propulsion électrique. Or, pour être crédible, l’implication du Québec devra nécessairement se faire de pair avec le dévoilement par le gouvernement d’une stratégie claire et à la hauteur de ses moyens. « Cette alliance a de bon qu’elle met en avant l’ouverture d’esprit du ministère par rapport à l’électrification des transports, note Yvon Bergeron de la CZEQ. Mais au-delà de ça, ce n’est pas très concret pour le moment. » Cette alliance « vise à favoriser la collaboration intergouvernementale afin d’accélérer le déploiement des véhicules électriques sur nos territoires et de faciliter l’échange des meilleures pratiques », a indiqué le ministère du Développement durable. Interrogé sur les actions concrètes qui seront prises pour aller en ce sens, le ministère n’a toutefois pas répondu aux questions du Devoir. Plus qu’un « voeu pieux », ce nouveau partenariat doit nécessairement agir comme un électrochoc et pousser le gouvernement à dévoiler rapidement sa stratégie d’électrification des transports, selon l’AVEQ et la CZEQ. Les deux associations espèrent que le futur plan comprendra, au moins, un projet de loi « zéro émission », ce cadre législatif qui oblige les concessionnaires à vendre des modèles de voitures électriques. Ceux qui refusent de le faire doivent acheter leur droit de ne pas en proposer. Une telle loi est déjà appliquée dans une douzaine d’États américains, dont la Californie, le Vermont et le Massachusetts. « Il faut aller plus loin que les bornes et les incitatifs financiers, affirme le président de l’AVEQ, Simon-Pierre Rioux. La priorité est d’augmenter l’offre. » Car « l’achat d’une voiture est un acte impulsif, renchéri Yvon Bergeron, de la CZEQ. Pour le moment, ils sont plusieurs à attendre qu’un modèle suscite cette réaction chez eux. C’est très difficile de changer les habitudes des consommateurs en matière de transports et, parfois, la raison ne suffit pas, il faut que ça vienne du coeur. » Source : Le Devoir - par Florence Sara G. Ferraris
Contribution : Richard Lemelin, directeur régional AVÉQ - Capitale-Nationale
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