Le ronronnement aigu d'une voiture électrique n’est peut-être pas aussi excitant pour certains que le grondement d'un moteur à combustion interne (ICE), mais pour compenser, les moteurs électriques sont tout de même capables d'accélérations explosives. L'amélioration de la technologie et le resserrement des réglementations sur les émissions des ICE sont sur le point de faire passer les véhicules électriques d'un petit créneau au grand public. Après plus d'un siècle de dépendance aux combustibles fossiles, cependant, la transition entre l'essence et les volts ne sera pas simple pour les constructeurs automobiles. Une voiture sur cent vendue aujourd'hui est alimentée par l'électricité. La proportion de VÉs sur les routes du monde est encore bien inférieure à 1%. La plupart des experts ont estimé qu'en 2025 cela représenterait environ 4%. Ces estimations font maintenant l'objet de révision, car les constructeurs automobiles annoncent d'importants développements dans leur production de véhicules électriques. La banque Morgan Stanley affirme désormais que d'ici 2025, les ventes de VÉs atteindront 7 millions par an et que ces derniers représenteront 7% des véhicules sur la route. Exane BNP Paribas, une autre banque, estime plutôt cette montée à 11% (voir le graphique). Mais comme les constructeurs prévoient des batteries de plus en plus puissantes, ces chiffres pourraient rapidement paraître trop bas. Le patron de Ford est encore plus audacieux. En janvier, Mark Fields a déclaré que nous étions à l’aube de l'ère du véhicule électrique, et il estime que le nombre de modèles dépassera les voitures à combustion d’ici les 15 prochaines années. Ford a promis 13 nouvelles voitures électrifiées dans les cinq prochaines années. D'autres prennent des engagements encore plus importants. Volkswagen, le plus grand constructeur automobile du monde, a déclaré l'an dernier qu'elle commencera un blitz de produits en 2020 et lancera 30 nouveaux modèles à batterie d'ici 2025, au moment où les VÉs devraient représenter jusqu'à un quart de ses ventes. Daimler, son rival allemand, s'est également fixé un objectif ambitieux récemment : réaliser le cinquième de ses ventes à la même date grâce aux véhicules électriques.
Ce changement de donne est dû à deux choses : la hausse des coûts pour se conformer aux réglementations d'émissions et la chute des coûts des batteries. Les VÉs purs, qui ne transmettent pas de dioxyde de carbone directement dans l'atmosphère, et les hybrides, qui produisent beaucoup moins que les moteurs conventionnels, sont des moyens de répondre aux objectifs d'émissions de l'Europe, bien que couteux. Mais les gains faits à partir de méthodes moins dispendieuses, telles que la suralimentation des moteurs plus petits, la technologie Start-Stop et les réductions de poids ne suffiront plus, puisqu’un régime de test plus contraignants, qui sera mis en place dans le sillage du scandale au diesel de VW, rendra ces cibles encore plus difficiles à atteindre. Le coût élevé pour prévenir les émissions d'oxyde d'azote par les moteurs diesel, qui émettent beaucoup moins de dioxyde de carbone que leurs équivalents au pétrole, pourrait les faire disparaître d'ici 2025. Certaines modifications aux ICE pourraient suffire pour atteindre les objectifs de 2021. Les constructeurs automobiles doivent également être prêts à relever les prochains, explique Andrew Bergbaum d'AlixPartners, une société-conseil. Ces objectifs, qui doivent encore être précisés pour le dioxyde de carbone dans l'UE, pourraient être aussi bas que 68g/km en 2025 comparés à 130g/km aujourd'hui. Les règlements sont également favorables en dehors de l'Europe. En Chine, plus de 400 000 véhicules électriques purs ont été vendus l'année dernière, ce qui en fait le plus grand marché du monde. Le gouvernement, soucieux d'éliminer les gaz d'échappement, a prévu un quota qui exigerait que 8% des ventes soient des VÉs ou des hybrides d'ici 2018. Et même si Donald Trump relâche les normes américaines, cela ne freinera pas l'électrification. La Californie, qui compte pour une voiture sur huit vendue en Amérique, est autorisée à fixer des normes environnementales plus sévères que celles nationales. Elle et sept des autres États qui ont adopté des règles sur les émissions ont une cible de 3,3 millions de VÉs sur leurs routes d'ici 2025. Suivre le mouvement Dans tout ce mouvement, la technologie aura autant d'impact que la politique. Les véhicules que les constructeurs automobiles sont obligés de produire pour le bien de l'environnement deviendront ceux que les acheteurs voudront pour le bien de leurs portefeuilles. Les VÉs étaient autrefois une deuxième voiture pour les conducteurs plus riches, respectueux de l'environnement et prêts à payer une énorme différence pour un véhicule doté d’une batterie qui prenait une éternité à se charger et d’une autonomie limitée. La chute des coûts des batteries rendra le coût de possession et de fonctionnement d'un véhicule électrique équivalent à celui d'une voiture traditionnelle en Europe au début des années 2020, même sans les importantes subventions gouvernementales que de nombreux pays riches utilisent pour assouplir l'accord. De meilleures batteries devraient également venir à bout de l’anxiété de l’autonomie. Si les coûts continuent à baisser et que les performances s'améliorent au rythme actuel, le prix d'une voiture d'une autonomie de 484 km pourrait se trouver autour de 30 000$ au début des années 2020, selon Exane BNP Paribas. L’amélioration des technologies permettra également la recharge en quelques minutes, non pas des heures. Le manque d'infrastructures de recharge continue de dissuader les acheteurs, mais les signes de croissance sont encourageants. Dans la plupart des pays riches, les gouvernements, les constructeurs automobiles et les entreprises privées investissent les liquidités nécessaires. En Amérique, le nombre de stations de recharge a augmenté de plus d'un quart à près de 40 000 en 2016. Shell et Total prévoient même mettre des chargeurs sur le terrain de leurs stations-service à travers l'Europe. Mais les VÉs ne sont pas encore rentables pour les constructeurs automobiles précisément en raison de leurs batteries. La Chevrolet Bolt mise en vente à la fin de l'année dernière, coûte moins de 30 000$ après incitatifs et offre 383 km d’autonomie. Mais chaque vente coûterait en fait 9000$ à General Motors. La Model 3 de Tesla est prévue pour la vente plus tard cette année, mais l'entreprise n'a pas encore réalisé de profit annuel. Même Renault-Nissan, le plus grand fabricant mondial de VÉs, perd de l'argent sur ses modèles électriques. La recherche et le développement coûtent aussi une fortune. Daimler affirme qu'elle dépensera 10 milliards d'ici à 2025 sur seulement dix modèles à batterie. La restructuration est également coûteuse. Pendant un siècle, les constructeurs automobiles ont construit des usines, ont employé des ouvriers et développé une chaîne d'approvisionnement autour des moteurs à combustion interne. Dans une étude, Morgan Stanley a estimé que le groupe VW pourrait faire une perte entre 2025 et 2028, alors qu’elle sera en pleine transformation. Certains constructeurs automobiles sont mieux placés que d'autres pour la transition. Les marques premium rentables telles que Daimler et BMW ont les ressources pour investir et peuvent être confiants que leurs clients plus riches seront les premiers à passer à des VÉs plus dispendieux, selon Patrick Hummel de la banque UBS. Malgré la baisse des coûts, un VÉ bon marché pour le marché de masse n’est pas pour bientôt. Des compagnies comme Fiat Chrysler ou PSA Group, qui fabrique les Peugeot et Citroëns, ont à peine commencé à changer. Mais ces constructeurs, qui opèrent déjà avec de minces marges de profit, devront encore investir massivement pour anticiper les plus grands changements à venir. Les VÉs pourront éventuellement rapporter plus d'argent que les voitures ICE, si les prix des batteries continuent de diminuer ainsi. Ils sont compétitifs de d'autres façons : ils sont plus simples mécaniquement, et nécessitent moins d'équipement et moins de travailleurs pour les assembler. Mais les constructeurs automobiles devront d’abord faire face à une transition qui affectera leurs liquidités et leurs profits. Se préparer pour ce mouvement vers l’électrique sera donc douloureux, mais le manquer complètement serait désastreux. Source : The Economist Contribution : Peggy Bédard
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