L'étude très complète sur les effets d'une Loi "Zéro-Émission" (VZE) complétée par le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques offre un aperçu intéressant sur l’ensemble des impacts qu'auront les véhicules électriques 2018-2025 sur la société québécoise, l'environnement, les coûts sur la santé, et l'impact sur l'agriculture, pour la totalité de la durée de vie de ces véhicules, donc sur un horizon de 20 ans.
»» Consulter l'étude ici La conclusion est que la Loi sur les Véhicules Zéro-Émission (VZE) est avantageuse pour le gouvernement, les citoyens-consommateurs, les fabricants de bornes et de matériel de VÉ mais pas pour les fabricants, concessionnaire et réparateurs d’automobiles ni les stations services: on s’en doutait et on comprend la réticence de ces entreprises devant la montée des VÉ. Il est important de relativiser le manque à gagner. Par exemple, le concessionnaire moyen percevra annuellement environ 725$ de moins à cause des changements d'huile qui ne sont pas nécessaires pour les VZE. Même si les moteurs électriques n'ont pas besoin de beaucoup d'entretien, les moteurs thermiques modernes possèdent également une fiabilité impressionnante, ce n'est pas la réparation de moteurs qui est le gagne-pain des garagistes. La suspension et le système de direction partagent les mêmes composantes sur les VÉ et les thermiques, et ont besoin du même entretien mécanique. Par contre, la Corporation des Concessionnaires Automobiles du Québec (CCAQ) induit en erreur ses membres en interprétant mal les chiffres du rapport, ce qui est possible pour les non-initiés aux subtilités entre les objectifs de vente et les objectifs de crédits VZE. Nous souhaitons les éduquer à ce sujet afin de les rassurer sur la réalité des objectifs à atteindre [voir leur article ci-dessous]
La réalité de la loi, et les distorsions de la CCAQ
La prémisse principale de la CCAQ est que les concessionnaires seront perdants à cause de la loi ZÉV, car ils auront des objectifs de ventes inatteignables. C'est faux. Premièrement, il faut comprendre que les objectifs fixés par le gouvernement sont réellement de 1,8% de ventes la première année, le 3,5% est un objectif pour les crédits. Une voiture 100% électrique avec une autonomie de 200 km obtient 1.7 crédits. La majorité des voitures 100% électriques de l'année-modèle 2018 offre en moyenne 200 km d'autonomie. Si une vente de voiture électrique offrait uniquement 1 crédit, alors les ventes devraient atteindre l'objectif de 3,5% - seules les voitures hybrides branchables qui offrent environ 35 km d'autonomie seront affectées alors qu'elles obtiendront 0,7 crédit. On peut conclure qu'un effort supplémentaire sera nécessaire, mais si on répondait à la demande actuelle sans détourner les ventes vers les modèles thermiques, les ventes atteindraient facilement le seuil requis. Dans le rapport, on promet que la loi ZÉ permettra aux consommateurs d'obtenir un meilleur service de la part des concessionnaires. C'est une bonne nouvelle, car jusqu'à présent, nos membres n'ont pas reçu un service à la hauteur, et nous allons les encourager à porter plainte au manufacturier s'ils continuent à obtenir un service inférieur lorsqu'ils se présentent chez un membre de la CCAQ et se font offrir une voiture à essence alors qu'ils s'y rendaient pour faire l'acquisition d'un véhicule électrique. Puisque le manufacturier comprend l'importance de vendre des VÉ au Québec à cause de cette loi, ils seront plus sévères auprès des concessionnaires qui ne gardent pas de VÉ en inventaire, et auprès des conseillers en vente qui les dénigrent ou qui créent de la désinformation auprès du public. Nous avons créé un document à l'intention des membres de la CCAQ et de ses clients, nous espérons leur rendre disponible d'ici septembre. De plus, lorsqu'on nourrit au Québec des listes d'attente de plus de 8 mois pour des véhicules comme la Chevrolet Bolt et la Hyundai iONIQ Electric, alors qu'on peut retrouver présentement ces modèles dans les cours des concessionnaires américains, on comprend pourquoi la loi 104 est nécessaire. Il faut fouetter les manufacturiers délinquants qui ridiculisent les consommateurs québécois intéressés par des VÉ. Sensibilité des impacts De telles études sont évidemment basées sur des hypothèses que les auteurs ont trouvés dans une documentation très étoffée. Mais, il reste que ces hypothèses ont leur part d’imprécision et leur variation peut inverser certaines conclusions de l’étude et rendre les VÉ plus rentables. Prix de l’essence L’étude utilise le prix de l’essence projeté par le ministère de l’Énergie et Ressources naturelles en 2015 (page 16), variant de 1,34$/ litre en 2018 à 1,84$/l en 2029, augmentant en moyenne de 2.9% par an. Au chapitre 3.7 Sensibilité des impacts, on démontre que si le prix de l’essence continuait d’augmenter comme pendant la période de 1999-2014 (5,6% par an), les avantages du projet de règlements seraient bien supérieurs aux coûts. La conclusion de l’étude devrait mentionner cette sensibilité au prix de l’essence. Coût de production des VÉ De même, selon l’étude, “Une diminution de 20 % du [coût supplémentaire de production des VZE et des VFE] change le bilan de négatif à positif pour les modèles 2025.” L’étude utilise pour le coût de production une évaluation de 2015 du CARB américain. Comme ce facteur est déterminant sur les conclusions de l’étude, il aurait été souhaitable d’élaborer ce qui peut l’influencer. En quoi consiste le surcoût, évalué à 13 326$ pour un VHR et 15 189$ pour un VEÉ (2018)? On dit qu’il dépend du prix de batteries et des coûts de recherche et développement. Absence de moteur à essence Le reste du véhicule est essentiellement le même pour un véhicule à essence sauf le moteur, la transmission, le système d’échappement, etc. Le moteur électrique et la réducteur de vitesse du VEE sont beaucoup plus simples, moins coûteux et plus fiables à long terme. La motorisation constitue donc des coûts en moins pour un VEE. Baisse du prix des batteries Le prix des batteries est passé de 1000$US le kWh en 2010 à 150$US en 2017, selon GM. C’est un taux de réduction géométrique de 23% par année. Si on projette le prix futur avec un taux de réduction annuel de 10%, le prix unitaire passera à 100$ en 2021 et 65$ en 2026. Le prix d’une batterie comme celle de la Bolt EV qui permet 380 km d’autonomie, soit 60 kWh, évoluerait comme suit: 2010: 60 000$US 2017: 9 100 2021: 5 900 2026: 3 900 À elle seule, la baisse du prix des batteries permettrait une réduction du coût de production de 5200$US ou 6700$CAD. Amortissement de la recherche et développement (R&D) Le développement d’un tout nouveau modèle de véhicule avec une nouvelle technologie comme les électriques coûte cher. Nissan a dit avoir investi 3 milliards$ pour développer la Leaf. Comme il s’est vendu jusqu’à présent environ 300 000 Leaf dans le monde, son développement revient encore à 10 000$ par Leaf. Cet investissement est probablement maintenant amorti en grande partie ou le sera en sur les versions subséquentes de la Leaf ou sur d’autres modèles comme la NV200 électrique. La situation est semblable pour les autres fabricants qui doivent donc inclure une somme importante dans le prix de vente pour en amortir le développement. Après quelques années et une fois un volume de vente suffisant atteint, ce crédit pour amortissement par véhicule peut diminuer rapidement. Le prix des VÉ suivront ainsi la même tendance à la baisse comme toutes les nouvelles technologies. Une réduction du “coût de production” d’au moins 5 000$ est certaine. Élimination du surcoût et des rabais des constructeurs Ces deux facteurs aidant, plusieurs analystes ont estimé que le surcoût des véhicules électriques sera éliminé d’ici quelques années. Ainsi, les rabais des constructeurs estimés à 80.9 M$ en 2019 et 296.8 M$ en 2025 sont nettement sur-évalués. Effet des subventions du programme Roulez électrique: pas besoin de rabais des constructeurs L’étude pose l’hypothèse que l’effet de ces subventions est nul. Pour le calcul des coûts globaux sur la société, c’est vrai. Mais pour les consommateurs et les constructeurs, la situation est fort différente, avec ou sans subvention. Avec les rabais du gouvernement, les VÉ deviennent rentables pour les consommateurs malgré le surcoût de production compte tenu du prix de l’essence évitée. Avec le programme, les constructeurs n’ont pas à donner de rabais incitatifs de vente, comme le prévoit l’étude, puisque c’est le gouvernement qui assume une partie suffisante du surcoût pour que les acheteurs y trouvent leur compte. Ainsi, la Loi VZÉ est plus avantageuse pour les constructeurs et moins pour le gouvernement avec les rabais du programme Roulez électrique. Par contre, le programme actuel risque d'être revu à la baisse dès le 1er juillet 2018 selon nos informations, ce qui mettrait la pression sur le manufacturier plutôt que sur le Fonds Vert qui subventionne les incitatifs de 8,000$.
Selon l'étude, on atteindrait 100,000 VÉ un an plus tard que prévu (2021) si on ne tient pas compte de l'engouement des Québécois pour les VÉ ni des ventes de Tesla, qui ne sont pas comptabilisées puisque ce dernier est dans la catégorie "petit manufacturier" donc non-assujetti. Le Model 3 n'est donc pas pris en compte dans ces prédictions.
VHR en mode électrique 55% ou 75% des km parcourus?
L’étude pose l’hypothèse que les VHR sont en mode électrique seulement 55% de leur kilométrage, basé sur une étude du CARB américain. Or, la majorité des VHR au Québec sont des Volt et le site internet Volt-Stats ( https://www.voltstats.net ) démontre que cette proportion est de 66.6%, sur 107 millions de milles, mesurés par télémétrie. Les groupes Quebec Volt, Roulez electriques, Volt en français et 2016 Volt Owners Group de ce site ont tous une proportion autour de 75%. De plus, les nouveaux modèles de VHR ont des batteries plus grosses et une autonomie électrique plus longue; ils auront une plus grande proportion de km électriques. Enfin, la multiplication des bornes de recharge à destination et au travail augmente aussi la part des km en mode électrique des VHR. Il serait donc plus juste de remettre cette proportion à 75% comme en 2016. Ainsi, l’économie d’essence pour les consommateurs sera plus grande qu’estimée dans l’étude ce qui rentabilise plus facilement les VÉ, réduit le besoin hypothétique de rabais des constructeurs et un meilleur effet sur l’environnement. De même, on estime qu'un VEÉ parcourt 15,970 km annuellement selon Extract Marketing (2014). Nos données les plus récentes parlent plutôt de 30,000 km; on peut comprendre le MDDELCC de prendre des chiffres d'une boite de recherche plutôt que de se fier à l'AVÉQ, mais on peut conclure que les chiffres utilisés pour démontrer les avantages pour le gouvernement et les consommateurs sont très conservateurs. Proportion de bornes maison installée: 45% Présentement, seulement 45% des propriétaires de VÉ auraient des bornes maison à 240 volts. Cette proportion va sans doute augmenter à mesure que les batteries auront une plus grande capacité et prendront trop de temps à se recharger sur le 120 Volts. Les fabricants et installateurs de bornes vont en profiter. Nombre de BRCC: une grave erreur dans cette étude Selon l’étude, le nombre de BRCC requis serait de 1 par 2000 VÉE, ce qui signifie 4 BRCC supplémentaires en 2019!!! Ce sera peut-être le cas quand il y aura 2 millions de VÉ et 1000 BRCC. Présentement, il y en a plutôt environ 80 pour 8000 VEÉ, donc 1 pour 100 VEÉ. 1:100 est le ratio normalement accepté dans l'industrie; le 1:2000 tel que présenté dans l'étude ne respecte pas les réalités des électromobilistes, et de leurs besoins! Les files d'attentes aux BRCC ne font que devenir communes avec le nombre croissant de VEÉ sur les routes du Québec, et à cause des touristes de l'Ontario et des états/provinces adjacents qui se feront plus nombreux eux aussi avec le temps! On semble oublier cette variable dans l'équation. L’étude devrait plutôt considérer un ratio qui diminuerait progressivement avec les années, par exemple: 1/200 en 2019, 1/300 en 2020, etc... Au total, il y aura plus de BRCC que l’estimation de l’étude, augmentant l’avantage pour les fabricants et les installateurs de bornes. D’ailleurs, l’omniprésence de BRCC, souvent doublées aux sites achalandés, serait un excellent incitatif pour favoriser l’achat de VEÉ en éliminant la peur de la panne. Réduction des émissions par les VÉ vs les véhicules à essence Dans les calculs de réduction des émissions par les VÉ en comparaison des véhicules à essence, on utilise toujours les émissions des véhicules à essence neuf. Mais après une centaine de milliers de km parcourus, les véhicules à essence augmentent leurs émissions nocives qu’il faudrait évaluer et en tenir compte. On constaterait que les VÉ sont encore plus avantageux sur le plan de l’environnement.
Conclusion
L'AVÉQ milite depuis quelques années à l'instauration d'une Loi sur les Véhicules Zéro-Émission (VZE) qui offrira un meilleur choix, une disponibilité et une pression sur les prix des VÉ au Québec. Bien que le projet de loi présenté par le gouvernement nous déçoit par ses cibles peu ambitieuses dès les premières années alors que le nombre de crédits exigés sont légèrement plus bas que ceux de la Californie, on se console en apprenant qu'ils seront identiques à cette dernière à partir de 2021. De plus, contrairement aux États américains qui possèdent une loi VZE, les crédits acquis ou utilisés au Québec ne seront pas échangeables en Californie ou dans ces États. Les crédits peuvent être échangés entre les constructeurs et peuvent aussi être cumulés par le même constructeur pour une utilisation ultérieure avec une limite maximale. Les incitatifs du programme Roulez Électrique de 4,000$ et 8,000$ sont en vigueur jusqu'à la fin juin 2018, et on nous rapporte qu'il risque d'y avoir des coupures sur le budget qui y est alloué. Cet incitatif est subventionné par le Fonds Vert (marché du carbone) et non par les impôts des particuliers. Par contre, le 3 milliards de dollars en subventions à l'industrie pétrolière canadienne est bien financé par les impôts des citoyens, mais personne n'ose en parler. Cette dernière n'a plus sa raison d'être alors que l'industrie pétrolière est bien mature et ne devrait plus être financée par les fonds publics. Nous souhaitons que les concessionnaires qui sont frileux à l'idée de vendre des véhicules électriques sachent s'inspirer de ceux qui ont du succès et qui ont bonne réputation au Québec: Bourgeois, JN Auto, Nissan Sherbrooke, Simon André, Montréal Auto-Prix, Gravel, Tesla Montréal, Hyundai St-Jérôme et Léviko, Kia Ste-Foy, BMW Ste-Julie, Deragon VÉ, etc... L'AVÉQ offre une formation aux directeurs des ventes et aux conseillers en vente qui veulent mieux comprendre le marché et avoir du succès dans la vente de véhicules électriques à des consommateurs avertis. Nous vous invitons à nous contacter pour plus d'information. Contributeurs: André Bastien, Simon-Pierre Rioux
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