Cet article est le premier d’une série de trois à propos de l’impact de l’électrification des transports sur la consommation de pétrole. Bien que la transition vers le transport électrique en soit à ses débuts, celle-ci connaît une croissance rapide dans le monde et ceci, au point où les compagnies pétrolières commencent à abandonner des projets tels que l’oléoduc Énergie Est en alléguant le manque de rentabilité appréhendé. Mais comment arrive-t-on à calculer précisément l’impact qu’auront les véhicules électriques (VE) sur la consommation de pétrole? Cet article vise à répondre à cette question
En 2017, il se vendra plus de 1 million de VE légers dans le monde. En prenant pour hypothèse que ces VE remplaceraient des véhicules consommant en moyenne 8 l/100km et roulant 20 000 km/an, la consommation d’essence mondiale se trouverait réduite par ce million de VE de 1,6 milliard de litres. Comme il y a 159 litres dans un baril, nous pouvons dire qu’un million de VE réduiraient notre consommation de 10 millions de barils de pétrole par année ou 28 000 barils par jour.
La question suivante pour faire une projection est d’évaluer la croissance des ventes de VE. L’année dernière, la firme Bloomberg avait créé une petite vidéo captivante dans laquelle était illustrée la croissance des véhicules électriques (VE). Ceux-ci s’étaient basés sur le fait que Tesla, en 2020, prévoyait vendre 500 000 VE et que les autres compagnies regroupées devraient continuer de représenter 90 % du marché. Dans ce contexte, les ventes totales devraient s’établir à 5 millions de VE en 2020. Notons que pour atteindre ce chiffre, il faudrait dans les années à venir maintenir une augmentation annuelle moyenne de 60 à 70 % des ventes de VE. Ce taux de croissance peut paraître élevé, mais notons d’abord qu’il est comparable à ceux observés ces dernières années. Et comme les grands manufacturiers automobiles ont maintenant tous des plans ambitieux d’électrification, que le coût des batteries ne cesse de diminuer et que certains pays et villes ont des cibles d’électrification ambitieuses, il apparaît réaliste d’atteindre cette cible de croissance. Le graphique ci-dessous illustre une projection du nombre de VE dans le monde (axe gauche) établie avec 63% d’augmentation annuelle ainsi que son impact sur la consommation de pétrole (axe à droite).
En continuant la projection après 2020 et en considérant qu’à chaque million de VE sur les routes 28 000 barils par jour de pétrole ne se trouveraient plus brûlés, la baisse de consommation atteindrait 2 millions de barils par jour (mbj) dès 2023. Or, comme le rappelait Bloomberg, un écart de 2 mbj entre ce qui était prévu pour la production et la consommation de pétrole est ce qui a entraîné une chute de plus de 50% de la valeur du baril en 2014.
Et contrairement à ce qui s’est passé en 2014, la cause de la baisse continuera de prendre de l’ampleur après 2023. L’écart entre la production et la consommation se creusera de 3 mbj par année par la suite. En 2030, l’écart prévu serait dix fois plus important que ce qu’il a été en 2014 (21 mbj). Rien d’étonnant que les pétrolières et les banques commencent à hésiter avant de se lancer dans des projets prenant des décennies à se rentabiliser. Dans le graphique ci-dessus, la croissance devient linéaire à partir de 2026-2027. S’il en est ainsi, c’est que l’on atteindrait 120 millions de VE vendus par an et qu’à ce moment, tous les véhicules légers vendus dans le monde seraient électriques. Dans la lutte contre les changements climatiques, les personnes qui critiquent les VE le font souvent en utilisant deux arguments. Le premier est légitime et consiste à dire qu’il faut d’abord investir dans le transport en commun et le transport actif. Le second, consiste à dire que les ventes de VE ont un impact limité sur la consommation de pétrole et de facto, sur les émissions. S’il est vrai que cet impact est faible au départ, il serait dommage de se faire décontenancer par un manque de connaissance sur le rythme de pénétration des VE dans le monde et le calcul – somme toute assez simple – qui permet d’établir l’économie de carburant qui en résulte. Espérons que ce premier article aura éliminé les zones d’ombres inutiles qui pourraient entourer cette question. Auteur : Sébastien Collard Porte-parole du groupe Recycle ta Caisse et membre de la coalition Sortons la Caisse du carbone, laquelle demande avec l’appui de plus de 200 000 Québécois à ce que la Caisse de dépôt et placement du Québec sorte des énergies fossiles.
Commentaires
|