Même si les incitatifs à l’achat de véhicules de tourisme se multiplient, seuls la Colombie Britannique et le Québec offrent des incitatifs pour les gros camions. Pourtant, l’électrification des flottes commerciales pourrait être le moyen le plus rapide de réduire les émissions.
Alors qu’un plus grand nombre de fabricants de camions électriques commencent à mettre sur le marché des véhicules lourds répondant aux besoins des parcs commerciaux, les programmes d’encouragement à l’achat de ces véhicules des gouvernements canadiens sont rares. Dans la course à la réduction des émissions, il devient crucial d’extirper les camions diesel moyens et lourds des routes, mais c’est l’un des secteurs de transition les plus lents dans le domaine des transports. Pour les gestionnaires de parcs commerciaux canadiens qui cherchent à passer de la combustion aux plateformes électriques, le processus demeure lent. « Beaucoup de gouvernements à travers le monde se sont concentrés sur le marché des véhicules légers », a déclaré Jessie Lund, associée principale du programme de mobilité sans carbone de l’Institut des Rocheuses, lors d’une entrevue avec Electric Autonomy Canada. Le Rocky Mountain Institute (RMI) est une organisation américaine dédiée à l’avancement de l’énergie propre. Un des aspects de sa recherche comprend l’étude du secteur des transports partout en Amérique du Nord. Il s’agit de l’une des rares organisations à détenir des données sur l’électrification du parc de véhicules lourds commerciaux au Canada. M. Lund affirme que même si le changement a été lent, il est en train de prendre de l’ampleur et compte de plus en plus sur les rabais pour les véhicules lourds. Du point de vue des émissions, c’est certainement logique. Il y a plusieurs années, les émissions de marchandises représentaient environ 10,5 % des émissions globales de GES du Canada. En 2020, l’Institut Pembina a estimé que d’ici 2030, les émissions des poids lourds dépasseront les émissions des véhicules de tourisme. Au-delà du volume de ventes, la conversion des flottes favorise un impact plus rapide que pour un seul véhicule de tourisme à la fois. « Je pense que beaucoup de décideurs et d’organismes de réglementation prennent conscience de cet impact. Si nous pouvons atteindre ce groupe relativement petit de décideurs par rapport à chaque personne qui fait un achat de voiture, il faut profiter de cette opportunité intéressante. Jessie Lund, associée principale, Rocky Mountain Institute Ça ne peut que croître! Le nombre actuel des camions électriques sur la route au Canada est, sans ambages, presque inexistant. De nouvelles données du Conseil international sur les transports propres, qui étudie les camions lourds qui transportent plus de 8 500 kilogrammes de poids brut, confirme la répartition suivante sur le marché en 2020 : L’émission zéro représente 0,000 % L’électricité hybride représente 0,002 % Le propane représente 0,0002 % Le gaz naturel représente 0,2 % L’essence représente 37 % Le diesel représente 63 % « En 2020, les États-Unis et le Canada ont représenté 1,2 % des ventes mondiales d’autobus zéro émission et 1,7 % des ventes de camions zéro émission », peut-on lire dans le rapport. Dans l’ensemble, selon Statistique Canada, qui utilise différentes catégories de poids, il y avait plus de 1,1 million de camions pesant 4 500 kilogrammes ou plus immatriculés sur les routes canadiennes (4 500 à 15 000 kg : 633 663; plus de 15 000 kg : 488 902) en 2019. L’Alberta est en tête des inscriptions (192 708; 111 415), suivi de l’Ontario (134 789; 134 202), du B.C. (135 691; 46 247), du Québec (65 052; 88 277) et de la Saskatchewan (49 705; 43 138). Le potentiel de transition est énorme, à condition que les politiques gouvernementales, la disponibilité des produits, la motivation des entreprises et la volonté du public puissent être alignées. Rabais provinciaux sur les camions Lorsqu’il est question d’estimer les tendances concernant les véhicules électriques au Canada, on pense à la Colombie Britannique dans l’ouest et au Québec dans l’est. Leurs gouvernements sont régulièrement cités en ce qui concerne les rabais, les taux d’adoption et l’infrastructure de tarification. Et à ce jour, ce sont les seules provinces qui offrent des rabais sur les gros camions électriques : jusqu’à 100 000 $ en Colombie Britannique pour les camions moyens et lourds et 175 000 $ par véhicule au Québec pour les camions lourds. Ces rabais s’inscrivent dans le cadre du programme d’encouragement aux véhicules électriques cleanBC Go de la Colombie Britannique et du programme écocamionnage du Québec. La Colombie Britannique opère son programme SUVI depuis 2017, mais on remarque une forte hausse de l’intérêt pour celui-ci au cours de la dernière année. « Les demandes de renseignements, d’intérêt et de questions est très motivant », a déclaré Pete Thimmaiah, gestionnaire de programme pour le programme des changements climatiques et de la qualité de l’air du Conseil du bassin du Fraser, lors d’une entrevue avec Autonomie électrique Canada. Thimmaiah est la personne-ressource du programme de remboursement de l’ISV de la Colombie Britannique. Il est responsable de conseiller les entreprises qui font des demandes de remboursement et approuve les demandes de financement. « Quand le programme SUVI a été lancé, la demande d'informations était faible, mais à partir de 2020, il y a eu un intérêt considérable et je pense que pour les trois à quatre prochaines années les choses vont changer radicalement dans la province. Je suis convaincu que ce sera un grand succès. Contrairement à la Colombie britannique et au Québec, la majorité des provinces canadiennes semblent hésiter à offrir des rabais aux acheteurs de camions électriques. Electric Autonomy Canada a communiqué avec les gouvernements de l’Ontario, de l’Alberta et de la Saskatchewan pour s’enquérir de leurs plans pour offrir un remboursement suite à l'achat de camions commerciaux. Les trois provinces ont confirmé qu’elles n’offrent pas de rabais actuellement et qu’elles ne prévoient pas établir des programmes d’incitatifs à l’achat. L’Alberta a indiqué qu’au 31 mars dernier, la province avait « 2 280 véhicules électriques immatriculés, dont six camions, incluant un gros camion de plus de 4 500 kg ». L’Ontario et la Saskatchewan ont refusé de fournir des chiffres sans demande d’accès à l’information. L’offre, la demande en croissance Selon les données compilées par RMI, il y avait en 2020, environ 70 modèles de camions électriques disponibles offerts par 24 entreprises en Amérique du Nord, allant de la série C à la classe 8 (les plus gros semi-camions). En 2021, ce nombre devrait passer à 85 modèles offerts par plus de 30 entreprises. Bon nombre de ces camions de marchandises zéro émission, de fabricants comme Volvo, Kenworth Peterbilt et Workhorse devraient entrer en production tout au long de 2021. Quant aux acheteurs, le Groupe Morneau a récemment annoncé l’achat du premier camion tracteur électrique à 10 roues Volvo vendu au Canada, qui sera déployé au Québec. Ailleurs, Metro Supply Chain Group prend livraison de six camions électriques cet automne, trois du québécois Lion Electric et trois de BYD et ils seront sur la route au Québec et en Colombie Britannique. L’entreprise de logistique Second Closet, en collaboration avec son client IKEA, ajoutera 16 camions électriques lourds à sa flotte au Québec, en Colombie-Britannique et en Ontario. Mosaic Forest Management, qui opère en Colombie Britannique a annoncé plus tôt cette année qu’elle utilisera des Semi de Tesla dans ses activités forestières sur l’île de Vancouver dès que Tesla lui livrera ses camions. Frans Tjallingii, chef de la direction et cofondateur de 7 Generation Capital, une entreprise de Vancouver créée l’an dernier pour offrir des services clés en main de consultation, d’approvisionnement en équipement et de financement à des clients commerciaux qui cherchent à électrifier leurs flottes, affirme que le niveau d’intérêt est beaucoup plus élevé que les taux d’adoption actuels pourraient l’indiquer. « La plupart des clients à qui nous parlons comprennent que l’électrification est incontournable. Beaucoup sont donc intéressés », dit Tjallingii. À l’heure actuelle, toutefois, l’économie et la disponibilité des véhicules favorisent certains secteurs d’activités au détriment d’autres secteurs. « L’un d’eux est la livraison du dernier kilomètre. Et l’autre, ce sont les camions à ordures », dit-il. « Ce sont deux domaines où nous croyons qu’il serait logique d’électrifier. Dans ces deux segments aujourd’hui, c’est déjà logique financièrement, surtout si vous êtes en Colombie Britannique et au Québec en raison des incitatifs. » Perspective d’incitatifs fédéraux Wrightspeed est une entreprise de groupe motopropulseur électrique basée à San Francisco qui cherche à se développer sur le marché canadien en raison du fort potentiel de croissance dans le secteur de l’électrification des camions et des autobus. Gilbert Passin, chef de l’exploitation de Wrightspeed, lors d’une entrevue avec Electric Autonomy Canada, confirmait que la compagnie est actuellement en pourparlers avec une société de la Colombie Britannique qui cherche à électrifier sa flotte. « C’est vrai qu’l n’y a pas beaucoup de véhicules électriques lourds sur le marché en ce moment », dit M. Passin. « Il y en a probablement un peu plus aux États-Unis qu’au Canada, mais je pense que les gouvernements canadien et américain vont considérablement s'impliquer dans la croissance et l’adoption des VÉ.» Il y a des signes d’intérêt de la part du fédéral. Mr. Thimmaiah du programme SUVI nous raconte que son groupe a récemment participé à un forum dirigé par le gouvernement fédéral sur le sujet. Comme le gouvernement fédéral veut également mettre en œuvre un programme sur les véhicules moyens et lourds. Ils se sont informés sur les défis auxquels nous étions confrontés dans la mise en œuvre du projet SUVI. Cet intérêt est un signe encourageant pour les gestionnaires de flotte qui cherchent à faire la transition, dit Lund de RMI. Sachant que le gouvernement considère cela comme une possibilité, les gestionnaires de flotte devraient se tenir prêts pour assurer cette transition si un programme fédéral est mis sur pied. Lund croit que les avantages de mettre en place un programme d’incitatifs pour les véhicules lourds le plus tôt possible est avantageux pour le gouvernement. « Si vous êtes un décideur et que vous croyez ce projet bénéfique pour votre collectivité, si vous voulez des améliorations de la qualité de l’air et moins d'émissions de gaz à effet de serre nous permettant d'atteindre nos objectifs climatiques, vous devez vous impliquer. » Electric Autonomy
Contribution: André H. Martel
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