Les tentatives de freiner la transition vers l’électrification et d’autoriser les carburants « climatiquement neutres » après 2035 ignorent la science, ce qu’il faut, c’est maintenant une clarté politique.
L’avenir de la mobilité doit être électrique. Crédit : Shutterstock
Dans le monde entier, les avions, les trains et les automobiles que nous utilisons pour nous déplacer ont rejeté environ 7,7 gigatonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère en 2021, soit un cinquième de toutes les émissions anthropiques. Environ les trois quarts des émissions des transports provenaient d’une seule source : les gaz d’échappement des véhicules routiers. La conversion du transport routier à l’énergie verte serait un grand pas vers l’atteinte du zéro émission d’ici le milieu du siècle, un changement nécessaire si nous voulons limiter le réchauffement climatique à des niveaux « sûrs ». C’est pourquoi les décideurs politiques ont poussé les constructeurs automobiles à accélérer leurs efforts pour mettre fin à la fabrication de véhicules équipés d’un moteur à combustion interne. C’est une évidence. Dans l’Union européenne, au moins, il semblait que tous les intervenants étaient d'accord, prêts à atteindre cette destination d’ici 2035. Cependant, au cours des dernières semaines, la Commission européenne s’est disputée avec l’Allemagne, l’Italie et d’autres membres de l’UE au sujet de la mise en œuvre de l’échéance de 2035. Ce problème a été résolu, mais seulement par une concession à la puissante industrie automobile allemande. Les nouvelles voitures équipées de moteurs à combustion interne peuvent continuer à être vendues après 2035, à condition que les moteurs utilisent des carburants neutres en carbone au lieu de diesel, d’essence ou de gaz comprimés et liquéfiés. Il s'agit d'une mesure néfaste pour le climat de la part d’un territoire qui a jusqu’à présent été à la fine pointe des politiques mondiales de décarbonisation des transports. Comment la révolution de l’hydrogène peut aider à sauver la planète et comment elle ne peut pas Le problème réside dans l’expression « carburants neutres en carbone ». Ces carburants dépendent soit d’intrants tels que de l’hydrogène « vert », qui est fabriqué en divisant l’eau à l’aide d’électricité renouvelable, soit de matières premières telles que la biomasse. Les technologies utilisées pour fabriquer ces carburants sont inefficaces, coûteuses et non testées à grande échelle. En outre, les revendications de neutralité climatique, fondées sur l’idée que le CO2 émis par leur combustion a été absorbé relativement récemment par la biosphère, ou que le CO2 produit lors de leur fabrication ont été empêchés de pénétrer dans l’atmosphère sont discutables. La capacité de production d’hydrogène vert est sévèrement limitée et toute expansion devrait être utilisée pour alimenter des secteurs tels que l’industrie lourde, pour lesquels des alternatives viables de décarbonisation ne sont pas encore disponibles. Pendant ce temps, l’utilisation de la biomasse crée des incitatifs à récolter du bois et à détourner les terres agricoles pour cultiver des cultures énergétiques, quelles que soient les conséquences pour la terre en tant que puits de carbone ou pour la biodiversité. Il est clair pourquoi certains membres de l’industrie automobile veulent garder le moteur à combustion interne en vie. L’idée est également attrayante pour les décideurs politiques à courte vue, car elle réduit la nécessité de planifier le déploiement de l’infrastructure de recharge, de s’inquiéter de la capacité du réseau et d’enseigner aux gens les compétences nécessaires pour construire et entretenir différentes technologies. Le milieu de la recherche doit être tout aussi clair en soulignant pourquoi il s’agit d’une fausse économie. Il n’existe qu’un seul système viable, évolutif et technologiquement mûr pour décarboniser le transport routier personnel. C’est l’électrification. Les constructeurs automobiles ne sont pas tous patients. Beaucoup comprennent que la transition vers les véhicules électriques prendra du temps et veulent poursuivre la transformation de leurs entreprises. Ils veulent que les gouvernements soient convaincus et qu'ils confirment la continuité de leurs politiques pour leur permettre de se mettre au travail. La conférence sur le climat COP27 de l’année dernière à Charm el-Cheikh, en Égypte, a vu le lancement de la Coalition Accelerating to Zero pour conduire la transition mondiale dans les « principaux marchés vers de nouvelles voitures et camionnettes électriques d’ici 2035 », c’est-à-dire les pays à revenu élevé, et à l’échelle mondiale d’ici 2040. Ses 200 signataires comprennent 14 constructeurs automobiles, parmi lesquels des noms connus tels que Ford, General Motors, Mercedes-Benz et Volvo Cars, et les gouvernements de plus de 40 pays. Surestimer l’hydrogène comme carburant risque de mettre en danger les objectifs de zéro émission Mais les absents sont également intéressants. Ils comprennent certains des constructeurs automobiles les plus importants au monde incluant Toyota, Volkswagen, Honda, Hyundai et Kia. Sont également absents les gouvernements de certains des plus grands pays producteurs de voitures, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Allemagne. Si la transition vers les véhicules électriques est retardée, il y aura probablement des effets en cascade qui finiront par freiner la décarbonisation mondiale. La demande de mobilité personnelle à moteur augmente dans les pays à revenu faible et intermédiaire. En Asie seulement, les voitures devraient représenter plus de 40 % des déplacements effectués en 2050, contre 28 % en 2015. Se basant sur les tendances actuelles, il y aura potentiellement trois milliards de voitures et de camionnettes sur les routes dans le monde en 2050, contre un milliard aujourd’hui, une autre raison d’accélérer la transition vers les véhicules électriques sur la planète. Pour que la décarbonisation du transport routier se produise, le monde aura besoin de ce que l’Initiative mondiale pour l’économie de carburant, un partenariat sur l’économie de carburant et l’efficacité, a appelé un « cadre politique radical » (voir go.nature.com/4381wvk). Cela signifie la suppression des subventions aux combustibles fossiles et la mobilisation d’investissements publics et privés pour le développement des véhicules électriques et des infrastructures de recharge qui les accompagnent. Cela signifie lier le développement de cette infrastructure aux systèmes de production d’énergie renouvelable, tout en veillant à ce que les chaînes d’approvisionnement soient durables et qu’ils fournissant des installations de recyclage pour les matériaux de batterie. Et cela signifie également qu’un accord international doit être conclu sur les normes, afin que l’introduction de véhicules plus propres dans certaines parties du monde ne signifie pas que des véhicules vétustes soient expédiés ailleurs pour polluer leur environnement. Tout cela est faisable. Mais la demande mondiale croissante de mobilité personnelle signifie qu’une transition véritablement verte en matière de transport ne se produira qu’en s’attaquant à un autre facteur important. L’innovation technologique ne nous mènera pas loin: un changement de comportement est également nécessaire. Parallèlement à une stratégie convaincante et fondée sur des données probantes pour développer les véhicules électriques et remplacer les combustibles fossiles, nous devons planifier et repenser les environnements urbains du monde entier pour encourager le transport actif, la marche et le vélo, plutôt que la conduite automobile. C’est certainement l'une des meilleures voies vers un monde plus propre et plus sain. Éditorial Nature
Contribution: André H. Martel
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