Voiture électrique: «Je ne suis pas assez riche pour me promener en voiture à essence»

Comme beaucoup de lecteurs du Journal, j’ai été passablement surpris de découvrir ces derniers jours les textes de mes collègues Pierre-Olivier Zappa et Mario Dumont, tentant de raviver le débat sur l’électrification des transports.

L’un et l’autre font état de petites frustrations du quotidien, oubliant au passage les innombrables avantages de la voiture électrique. Ils semblent avoir, au passage, oublié les indénombrables inconvénients de la voiture à essence.

J’ai personnellement fait le saut vers l’électrique longtemps avant ces messieurs. J’ai vu le déploiement rapide d’un vaste réseau de bornes de recharge, la démultiplication des modèles et des tailles de voitures disponibles, l’augmentation rapide de l’autonomie, et les milliards de dollars économisés par les Québécois au passage.

Le pétrole saoudien, remplacé par les électrons de la Baie-James et de Manic 5. Les bornes de recharges, Made in Quebec, contre un oligopole américain de distribution du gaz.

Petites frustrations, immenses avantages.

Le coût total de possession

Je ne sais pas pour vous, mais je ne suis pas assez riche pour me promener en voiture à essence.
Pour se faire une tête, plutôt que de raconter chacun nos anecdotes, il faut analyser ce qu’on appelle le coût total de possession d’une voiture.

Bien que les véhicules électriques demeurent plus chers à l’achat, plusieurs études montrent que sur une période de 5 ans, les consommateurs sont presque toujours gagnants.
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J’ai contribué à l’une d’elles, en 2021, avec la Chaire de gestion du secteur de l’énergie.
Notre hypothèse sur le prix de l’essence était de 1,20$.

Dans tous nos scénarios, les coûts initiaux étaient largement compensés par les économies d’entretien, et surtout, de carburant. Pour un automobiliste qui parcourt plus que la moyenne de 20,000km par année, les gains sont majeurs; dans certains cas, c’est presque la moitié du prix du véhicule qui est ainsi économisé sur la durée de vie de la voiture.

Et dans 100% des cas, plus vous gardez votre véhicule longtemps, plus les gains s’accumulent, année après année. L’avantage de la batterie et des moteurs électriques, c’est qu’ils ne subissent presque aucune usure. Un moteur, après 150,000km? Pas si certain.

Dans une voiture électrique, faut-il changer ses pneus plus souvent? Un peu. Mais combien d’heures de vos vies avez-vous perdues à faire changer votre huile? À remplacer vos freins? À entretenir votre timing belt et remplacer vos bougies. Combien de pièces polluantes et de lubrifiants visqueux vont polluer nos lacs et nos rivières en raison de cette obsession pétrolière?

Juste à écrire ça, j’ai l’impression de parler le langage de l’ancien temps.

La voie de l’avenir

La technologie électrique, à l’échelle d’une consommation de masse, a moins de dix ans.
Et déjà, des progrès majeurs ont été réalisés. Les manufacturiers électriques, les «vrais», prennent aussi l’enjeu de la décarbonation très au sérieux. Parmi toutes les entreprises manufacturières recensées par Forbes et McKinsey, Lucid, Rivian et Tesla arrivent en tête.

Depuis une décennie, les manufacturiers de voitures à essence ont laissé leur place à de vrais innovateurs. Les technologies de caméras, de senseurs, de conduite autonome, ont été en grande partie développées pour et par des manufacturiers de voitures électriques.

Il m’arrive parfois d’être nostalgique de ma Toyota Tercel 1991 avec les vitres à commande manuelle.

Mais c’est bien ça, de la nostalgie.

Au début du 20e siècle, le syndicat des allumeurs de réverbères s’est battu, en France, contre l’électricité. Ils n’ont pas gagné. De manière générale, se battre contre l’électricité, ce n’est pas un pari gagnant.

Ces jours-ci, une transition similaire se produit.

Cette fois-ci, c’est la mobilité qui change.

Il est grandement temps que les Québécois, comme le syndicat des allumeurs de réverbères, arrivent au 21e siècle.

Source : Journal de Montréal - Texte intégral avec l'accord de Francis Gosselin