Un tour du monde sous haute surveillance L'installation d'un centre de contrôle qui sera actif 24h/24 a été rendue indispensable par les très longues étapes transocéaniques, au dessus du Pacifique et de l'Atlantique. «Ca ne serait pas indispensable avec les étapes continentales de moins de 24 heures, explique André Borschberg. Car quand on décolle le matin, les prévisions météorologiques sont suffisamment fiables pour ne pas avoir de mauvaise surprise en arrivant le soir. En revanche, avec des vols qui vont durer pendant 5 jours et 5 nuits, la météo étudiée lors du départ ne sera plus du tout assez fiable 5 jours après. Il devient indispensable d'avoir un suivi permanent du vol, et d'adapter le routage avec les météorologistes de l'équipes», qui seront installés en permanence au centre de contrôle. Car avec un fragile avion électrique, uniquement propulsé par l'énergie du soleil, la météo est un paramètre crucial. Quand l'avion décolle le jour, au soleil, il prend de l'altitude et recharge ses batteries pour se préparer à tenir pendant toute la durée de la nuit. «L'avion atteint 9000 mètres d'altitude avant le coucher du soleil, et on passe les premières heures de la nuit en vol plané, jusqu'à redescendre à une altitude de 1500 m, explique Raymond Clerc, directeur du centre de vol de Solar Impulse. Le pilote vole ensuite à cette altitude avec les batteries, jusqu'au lever du soleil, où le temps doit être suffisamment dégagé pour permettre à l'avion de poursuivre son vol avec les panneaux solaires.» Il est possible pour les internautes de suivre en direct le vol de l’avion. Il suffit d’aller voir le site super site de SolarImpulse pour y trouver la page de suivi. Il ne pèse que 2 tonnes Le groupe chimique belge a aussi contribué à la composition des éléments des batteries lithium-ion, afin d'augmenter la quantité d'énergie stockée tout en réduisant la masse. Malgré son envergure géante, l'avion ne pèse qu'un peu plus de 2 tonnes, l'équivalent d'un gros 4×4, dont 600 kg de batteries. Cette masse réduite n'a été possible que grâce à l'utilisation de composites de carbone assemblés à Lausanne par le chantier naval Décision, l'un des meilleurs spécialistes dans le monde des voiliers de course ultralégers. Les bandes de carbones utilisées pour construire la structure de l'avion pèsent seulement 25 g/m2, trois fois moins qu'une feuille de papier d'imprimante, grâce à une technologie utilisée au départ sur les catamarans de course de l'équipe suisse Hydros. Le premier Solar Impulse pouvait déjà en théorie voler indéfiniment, puisqu'il était capable de rester en l'air une nuit entière après avoir rechargé ses batteries au soleil pendant la journée. Mais en pratique, l'engin était limité par l'endurance de son pilote et sa capacité à maintenir la fragile structure en l'air en l'absence de tout système de pilotage automatique. Le plus long vol de Solar Impulse 1 avait ainsi duré 26 heures en juillet 2012, et sa plus longue distance parcourue d'une traite dépassait 1 000 km, à 50 km/h de moyenne. «Avec le premier avion nous avions l'équivalent d'un siège de classe économique, et avec le deuxième, nous avons un bon siège de classe affaires, dans lequel on peut être assis pour piloter, s'allonger pour dormir et même bouger pour faire de l'exercice », raconte André Borschberg. Le Solar Impulse 2 Le premier appareil lancé en 2010 avait prouvé la faisabilité d'un avion propulsé par la seule énergie solaire. L'équipe suisse Solar Impulse a dévoilé son nouvel avion destiné cette fois à boucler le premier tour du monde sans combustible fossile. Mais il est bien difficile de cacher un engin dont l'aile fait 72 mètres d'envergure (soit plus longue que celle d'un Boeing 747). Avec son immense envergure, ses ailes toutes droites et sa structure ultralégère, le Solar Impulse 2 n'est pas bâti pour battre des records de vitesse, mais bien pour voler des heures d'affilée à très haute altitude. Sa seule source d'énergie provient des panneaux solaires qui recouvrent chaque centimètre carré de ses ailes et du haut du fuselage. Ils alimentent en courant quatre petits moteurs électriques, qui font tourner lentement de grandes hélices. La puissance de chaque moteur ne fait que 17,5 ch, l'équivalent de celle d'un scooter, mais l'avion est tellement léger que cela suffit à le faire décoller et grimper jusqu'à 9 000 mètres d'altitude. La nuit, des batteries au lithium prennent le relais en attendant le prochain lever de soleil. «La réduction du poids est l'obsession permanente du programme, et nous a obligés à développer des solutions nouvelles pour réussir à faire voler cet avion », explique avec enthousiasme Claude Michel, responsable du programme Solar Impulse chez Solvay, l'un des principaux partenaires technologiques du projet suisse. «Nous avons notamment développé un polymère qui remplace l'aluminium du vérin du train d'atterrissage et qui permet de faire un gain de masse de 80 % sur cet élément.» Repousser les limites de l'endurance humaine Les deux pilotes de Solar Impulse s'attendent à ce que les vols transocéaniques, au-dessus du Pacifique et de l'Atlantique, puissent durer jusqu'à cinq jours. Sachant que l'avion n'a de place que pour un seul pilote et ne dispose pas d'un véritable pilote automatique, ces vols non-stop pousseront André Borschberg et Bertrand Piccard aux limites de leur endurance. «L'exploit n'aurait aucun sens s'il n'y avait personne aux commandes, c'est avant tout une aventure humaine », explique Bertrand Piccard pour justifier l'absence de pilote automatique. Pour se reposer, les deux hommes prévoient des courtes phases de sommeil de seulement 20 minutes, pendant lesquelles l'avion continuera de voler tout seul sur un cap déterminé. Un rythme qui se rapproche de celui des marins lors des courses à la voile en solitaire, et que Bertrand Piccard a déjà vécu lors de ses tentatives de tour du monde en ballon. Pour des raisons de confort, dans leur cockpit étroit et non pressurisé, ils ne porteront pas en permanence de capteurs corporels, mais seront régulièrement en liaison avec un médecin au centre de contrôle à Monaco. Pour rester vigilants malgré l'immense fatigue, les deux hommes ont chacun leur technique. Bertrand Piccard pratique l'autohypnose, qu'il a développée dans le cadre de son métier de psychiatre. André Borschberg fera de son côté des exercices de yoga, discipline qu'il pratique depuis des années. Un voyage de quelque 35.000 kilomètres autour du monde, en douze étapes, sans aucune goutte de carburant. Un pari insensé que les Suisses Bertrand Piccard et André Borschberg vont enfin relever après quinze années d'efforts et de travail pour mettre au point Solar Impulse 2, leur avion solaire révolutionnaire. Un record symbolique servant de démonstration à la conviction des deux hommes: seul le recours aux énergies renouvelables permettrait de réduire la consommation de combustibles fossiles qui émettent du CO2 et réchauffent l'atmosphère de la planète. Après plusieurs reports successifs à cause de vents contrariants, le décollage de la première étape entre Abu Dhabi et Mascate, à Oman, est désormais prévue pour lundi matin. Une date encore susceptible d'être repoussée si la météo n'est pas favorable. Comme l'avion ne peut emporter qu'un homme à la fois, les deux pilotes se succéderont aux commandes au fil des étapes. |