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L’industrie automobile nord-américaine, autrefois florissante, est en train de devenir un cul-de-sac technologique sous l’impulsion des politiques du président américain Donald Trump. En érigeant des barrières tarifaires, en démantelant les incitatifs pour les véhicules électriques (VE) et en affaiblissant les normes environnementales, Trump transforme le secteur en une enclave isolée, produisant des véhicules polluants et dépassés pour un marché captif. Le Canada, historiquement lié à l’industrie automobile américaine, risque d’être entraîné dans cette régression si des mesures urgentes ne sont pas prises pour diversifier et internationaliser notre propre secteur automobile. Un rapport du groupe de réflexion Transition Accelerator met en garde : « Les consommateurs canadiens ne voudront pas se retrouver derrière des murs tarifaires à conduire des voitures à essence pendant que le reste du monde profite de la transition vers les véhicules électriques. » Pourtant, ce scénario devient de plus en plus plausible. Les décisions de GM et Stellantis d’annuler la production de véhicules électrifiés dans leurs usines ontariennes d’Ingersoll et de Brampton sont symptomatiques de cette tendance. Ces choix sont largement influencés par le démantèlement des politiques pro-VE aux États-Unis, qui freine la transition inévitable vers l’électrification. Malgré un ralentissement temporaire de la demande pour les VE, le consensus industriel est clair : les véhicules électriques seront à long terme plus abordables et plus fiables que les moteurs à combustion interne. Pendant que le reste du monde avance, les États-Unis reculent, mettant en péril leur compétitivité face à des géants comme la Chine. Mary Barra, PDG de GM, a reconnu dans sa lettre aux actionnaires que l’adoption des VE sera plus lente que prévu, en raison de la fin des incitatifs fédéraux. GM a déjà enregistré une perte de 1,6 milliard de dollars américains, et d’autres pourraient suivre. Si les grands constructeurs américains – Ford, GM et Stellantis – continuent de prendre du retard, Trump pourrait intensifier les barrières tarifaires pour les protéger, isolant davantage l’industrie nord-américaine. Cela nuirait aux consommateurs canadiens, privés de véhicules innovants et abordables, mais surtout aux milliers de travailleurs du secteur automobile. Face à cette menace, le Canada doit accélérer le développement d’un écosystème VE complet : extraction de minéraux critiques, raffinage, fabrication de batteries et assemblage de véhicules. Des progrès ont été réalisés grâce aux investissements de Volkswagen et LG/Stellantis, mais il faut aller plus loin. Le gouvernement de Mark Carney poursuit cette stratégie en ouvrant des discussions commerciales avec la Chine, le Mexique, l’Inde et l’Europe. Comme le souligne le professeur Greig Mordue, le Canada a toujours su s’aligner avec les leaders mondiaux de l’automobile – des marques de Detroit aux constructeurs japonais comme Toyota et Honda. Attirer des marques chinoises sans provoquer la colère de Trump est délicat, mais possible. D’autres pistes incluent l’homologation de véhicules européens pour le marché canadien ou l’ajustement des normes de disponibilité des VE pour favoriser la production locale. Enfin, l’exploitation du Cercle de feu pour les minéraux critiques pourrait renforcer l’indépendance du Canada tout en augmentant la dépendance américaine envers nos ressources. Les pertes d’emplois à Ingersoll et Brampton sont un signal d’alarme. Il ne s’agit pas d’abandonner l’industrie automobile, mais de la réinventer pour assurer un avenir durable, souverain et prospère pour les travailleurs canadiens. D'après un texte Matt Bubbers dans le Globe and Mail
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