Depuis plusieurs semaines, le prix du carbone fait couler beaucoup d’encre au Québec. Des politiciens le pointent du doigt comme bouc émissaire des hausses de prix à l’épicerie, pendant que l’opinion publique oscille entre inquiétude et confusion. Or, une analyse rigoureuse des faits démontre que le coût réel pour les ménages québécois est bien plus modeste que ce que plusieurs croient – et que la désinformation nuit à une discussion éclairée sur l’environnement, la santé publique et l’avenir énergétique du Québec. Moins cher qu’un café
Un récent sondage réalisé par la firme Abacus Data auprès de 1000 Québécois révèle à quel point la perception du coût du carbone est déformée. À la question « Combien vous coûte en moyenne le prix du carbone chaque semaine si vous conduisez une voiture à essence ? », seulement 11 % des répondants ont approché la réalité : moins de 2 $ par semaine. En effet, à 7,4 cents par litre d’essence depuis mai 2025, le coût du carbone pour un conducteur moyen est dérisoire. Une Honda Civic parcourant environ 12 400 km par an et consommant 6,7 L/100 km entraînera une dépense hebdomadaire d’environ 1,20 $ en prix du carbone. Pour un VUS comme le Toyota RAV4 parcourant 15 150 km avec une consommation de 8,5 L/100 km, le coût grimpe à... 1,85 $. Et pourtant, 39 % des personnes sondées estiment à tort que le prix du carbone leur coûte entre 16 $ et 25 $ par semaine. Une surestimation de 8 à 15 fois la réalité. Un changement d'opinion une fois bien informés Fait intéressant : lorsque les répondants prennent connaissance du coût réel, l’appui au prix du carbone pour lutter contre les changements climatiques double, dépassant largement l’opposition. Comme quoi l’accès à une information juste et contextualisée peut faire toute la différence dans le débat public. L'épicerie, vraiment plus chère? Certains politiciens ont insinué que le prix du carbone explique un écart de coût de la vie entre le Québec et l’Ontario, notamment à l’épicerie. Mais là encore, les faits démentent l’argument. Selon Statistique Canada, les écarts de prix des aliments entre les deux provinces sont minimes, voire favorables au Québec. En mai 2025 :
Une question de santé publique et de souveraineté énergétique Le prix du carbone n’est pas un simple ajout à la facture d’essence. Il constitue un levier pour financer la lutte contre les changements climatiques et réduire la pollution atmosphérique. En 2015 seulement, selon Santé Canada, la pollution liée au transport routier a entraîné plus de 400 décès prématurés au Québec et coûté 9,5 milliards $ à l’économie. Et que dire de notre dépendance au pétrole importé ? Chaque mois, avant taxes, les Québécois versent environ 1 milliard $ à l’étranger pour de l’essence et du diesel. En éliminant le prix du carbone, on favoriserait un recul environnemental au profit des pétrolières, qui continueraient d’engranger des profits records — comme ce fut le cas en 2024. Pourtant, celles-ci sont rarement visées par les critiques aussi virulentes que celles dirigées contre le prix du carbone. Et maintenant ? Le gouvernement du Québec a la responsabilité de mieux communiquer sur l'utilisation des revenus issus du marché du carbone. La population a le droit de savoir comment cet argent est investi. À l’heure où les défis de transport collectif, d’électrification et de mobilité durable s’intensifient, ces fonds devraient prioritairement servir à bâtir des solutions concrètes : trains, autobus, pistes cyclables, infrastructures de recharge. Car au final, réduire le prix de l’essence de quelques sous pour satisfaire une perception erronée, c’est sacrifier le long terme pour un gain temporaire — et faire fausse route dans la lutte contre la crise climatique. Tiré d'un texte de Daniel Breton dans le Journal de Québec
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