La Norvège fait figure de leader en matière d’adoption de la voiture électrique. Cette position va aussi avec des défis importants pour poursuivre la croissance. Voici un aperçu de la recette norvégienne et de ce qu’on peut en apprendre pour les imiter.
(traduction d’un article de la Gazette)
Selon Frank Jordans, journaliste de «l’Associated Press» à Berlin, les véhicules électriques sont omniprésents sur les routes bordant le fjord et les cols de montagne de cette riche nation européenne de 5,3 millions d'habitants. Environ 30% de toutes les voitures norvégiennes sont [100 % électriques], contre 2% en Europe et 1 à 2% aux États-Unis.
[Selon le Global EV Outlook 2018, les véhicules branchables neufs atteignaient déjà 39% des ventes en 2017] Alors que les pays du monde entier - y compris la Chine, le plus grand marché automobile du monde - cherchent des moyens pour encourager plus de gens à acheter des voitures électriques pour lutter contre le changement climatique, la Norvège semble avoir trouvé la recette gagnante. La clé de voute de son succès : l’intervention gouvernementale. On y offre d’énormes subventions et avantages qui rendent le choix de l’électrification extrêmement compétitif. Bien sûr, le gouvernement norvégien est conscient qu’il ne pourra subventionner éternellement ce choix, mais son intervention demeurera tant qu’il existera des raisons de pencher vers le véhicule à essence.
Ola Elvestuen, ministre responsable du Climat et de l'Environnement, met tout en oeuvre pour concrétiser l'engagement de ne vendre que des voitures zéro émission en Norvège d'ici 2025. Ce plan vise à atteindre les objectifs de réduction de CO2 convenus dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat en 2015. Pour y arriver, M. Elvestuen affirme que «la voiture zéro émission doit toujours coûter moins cher qu'une voiture ordinaire».
Pour aider les ventes, le gouvernement norvégien exempte les acheteurs de véhicules électriques des lourdes taxes à l'importation de véhicules, ainsi que des taxes d'immatriculation et de vente. De plus, les électromobilistes n’ont pas à payer de péage sur les routes et peuvent utiliser gratuitement les traversiers et les voies réservées dans les centres-villes congestionnés. Ces avantages, qui coûtent au gouvernement près de 1 milliard de dollars cette année, commenceront à être progressivement supprimés dès 2021. Les droits de péage et les redevances routières seront limités à la moitié de ce que les propriétaires de voitures à essence doivent payer. Progressivement, les subventions pour les voitures électriques seront remplacées par des taxes plus élevées [malus] sur les voitures traditionnelles. La taxe d'immatriculation sur les voitures neuves sera calculée en fonction des émissions du véhicule. Ola Elvestuen s’engage à ce que les incitatifs pour les véhicules électriques soient ajustés de manière à ne pas compromettre l’objectif de 2025. « L’important, c'est que notre objectif ne se limite pas à récompenser l'absence de pollution des voitures électriques », dit-il. «c’est aussi de taxer les émissions polluantes des voitures ordinaires.» Utiliser les taxes pour changer les comportements des consommateurs peut cependant s'avérer délicat pour un gouvernement. Des manifestations ont éclaté en France cet automne à propos d'une taxe sur les carburants qui se révélait pénalisante pour les familles les plus pauvres, en particulier dans les zones rurales où la voiture individuelle est souvent le seul moyen de transport. La Norvège est cependant un cas particulier. Le pays est riche de l’exportation des combustibles fossiles. Les revenus de la population sont plus élevés que dans le reste de l'Europe, tout comme les prix à la consommation. Les VUS dominent les ventes de voitures norvégiennes, avec environ 36% de parts de marché. Ils semblent être gage de sécurité pendant les rudes hivers du pays. Pour le norvégien aisé, le modèle de prédilection est le Tesla Model X, qui coûte environ 900 000 couronnes norvégiennes (106 000 USD). Paradoxalement, «L’achat d’une Tesla modèle X n’est pas beaucoup plus onéreux que l’achat d’une Volvo haut de gamme, car les voitures à essence sont lourdement taxées. C'est aussi la raison pour laquelle Teslas vend bien », a déclaré Christina Bu, secrétaire générale de l'Association norvégienne de véhicules électriques. Par exemple, le VUS Volvo XC90 à essence commence à 919 000 couronnes (107 100 dollars) en Norvège, contre 47 700 dollars aux États-Unis. Jusqu’à maintenant, Tesla a dominé le segment des voitures familiales électriques luxueuses grâce à sa plus grande autonomie. Mais de plus en plus de marques haut de gamme font leur apparition sur le marché, comme l’Audi Quattro e-tron. La demande est cependant toujours supérieure à l'offre, les Norvégiens devant attendre jusqu'à un an avant de mettre la main sur leur nouveau véhicule électrique. Si la Norvège s'est engagée à réduire ses émissions de GES de 40% d'ici 2030 (par rapport aux niveaux de 1990), il reste beaucoup de pain sur la planche : en 2017, les émissions avaient augmenté de 3% par rapport au niveau de référence de 1990. Cependant, la réduction des émissions provenant du transport routier permettra à la Norvège de réduire ses dépenses nécessaires pour acheter des certificats d’émission aux autres pays européens dans le cadre de la bourse du carbone. Les économies devraient se chiffrer en milliards, compensant potentiellement le coût de la subvention des voitures électriques.
La Norvège compte maintenant sur la Chine pour l'aider à développer son marché.
La Chine a lourdement investi dans les véhicules électriques. On cherche bien sûr à respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat, mais d’abord et avant tout à nettoyer l’atmosphère des villes étranglées par la pollution. La Chine cherche aussi à se positionner comme leader du secteur en pleine croissance de la fabrication de véhicules électriques. Selon l'Association chinoise des constructeurs automobiles, 6% des nouvelles voitures chinoises étaient électriques, en hausse de près de 50% par rapport à l'année précédente. Les experts s’entendent pour affirmer que le marché a toujours un potentiel de croissance énorme, mais qu'à l'instar de la Norvège, le succès de l’électrification repose toujours sur l’intervention de l’état. L’espoir de la Norvège est que l’expansion fulgurante de l’industrie chinoise permettra de développer la technologie plus rapidement et de faire baisser les prix. Selon les experts, l’offre doit augmenter pour que les ventes continuent à croître. L’autonomie des petits véhicules électriques reste un frein et la voiture électrique reste marginale sur le marché usagé. La recharge rapide reste plus lente que la pompe à essence, et l’installation du réseau de recharge rapide est peu rentable sur les longues routes de montagne norvégiennes peu achalandées… malgré les subventions publiques accordées aux entreprises privées qui en installent. Même dans les centres-villes, la construction de stations de recharge n’a pas suivi le rythme des ventes. Dans une station d’Oslo, un conducteur de Tesla ouvre son ordinateur portable alors que sa voiture se recharge. Une autre, Ida Vihovde, tambourine des doigts en attendant qu’une borne se libère. «Si le gouvernement en mettait plus, ce serait bien», dit-elle à côté de sa VW Golf électrique. «En ce moment, il n'y a plus de chargeurs, je dois donc m'asseoir et attendre.»
L’avis de l’auteur
La Norvège à une énorme longueur d’avance sur le Canada et le Québec en matière d’électrification des véhicules routiers. Par exemple, nous n’avons même pas l’ambition d’atteindre - d’ici 2030 - des parts de ventes comparables à ce qui existe en ce moment même en Norvège (plus de 50% en Norvège (100% visé en 2025 !), contre 30% espérés en 2030 ici). Pourtant, la Norvège présente des similitudes avec nous qui pourraient laisser penser qu’un gouvernement visionnaire - et respectueux de ses engagements en matière de GES - pourrait se donner le défi de reproduire le succès norvégien. Nous avons même une longueur d’avance sur les Norvégiens en matière de déploiement de réseau de recharge publique, au Canada, mais encore plus au Québec (Global EV Outlook 2018). Suggestion : notre gouvernement fédéral pourrait se servir des revenus pétroliers pour financer des incitatifs massifs tels que l’exemption de TPS sur les véhicules électriques, voire même un incitatif à l’achat pan-canadien équivalent à la TVH et un incitatif destiné aux vendeurs eux-même pour les motiver. Il serait bien sûr illusoire de penser que nos gouvernements envisageront de taxer davantage la «classe moyenne» en surtaxant l’achat de véhicules énergivores et/ou leur immatriculation. Mais il y a moyen d’inciter à la transition en donnant de gros avantages sans enlever quoi que ce soit à ceux qui hésitent à faire le saut. D’autant plus que les VUS et camionnettes branchables et 100% électriques sont sur le point d’envahir les marchés. Bientôt, même la sempiternelle affection des Canadiens pour le F-150 ne tiendra plus comme argument…
Sources:
Montreal Gazette Global EV Outlook 2018 Auteur : Daniel Rochefort Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur
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